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Hausse de la consommation de cocaïne : cause et prévention

le 15/07/2025

Hausse de la consommation de cocaïne : cause et prévention

L’étude de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée le 15 janvier 2025 a eu l’effet d’une bombe dans le paysage médiatique français. En effet, ce rapport relève que près de 1,1 million de Français ont consommé de la cocaïne en 2023. Soit une hausse de 83 % par rapport au précédent rapport de 2022 (600 000 personnes). Cette tendance s'accompagne d'une évolution du profil des consommateurs et des modes de consommation. Le Dr Philippe De Azevedo est confronté à cette réalité au quotidien. Addictologue depuis plus de 25 ans, il alterne entre les consultations au sein de son cabinet à Paris et de la Clinique des Platanes à Épinay-sur-Seine. Entre deux consultations, il a accepté de nous en dire plus sur le phénomène de l’addiction à la cocaïne et des enjeux de prévention.

Une explosion de la production mondiale

Les chiffres sont éloquents : « En 10 ans, la production mondiale de cocaïne a été multipliée par 4 », explique le Dr De Azevedo. Cette augmentation massive de la production s'accompagne naturellement d'une baisse des prix. « Le prix du gramme de cocaïne a été divisé par trois par rapport aux années 1970, rapporte l’addictologue, oscillant aujourd'hui entre 50 et 70 euros le gramme ». Cette démocratisation économique du produit transforme radicalement l'accessibilité à la drogue. 

Les réseaux de distribution ont également évolué : « Il y a une sorte d’uberisation des services de vente de cocaïne, relate le docteur, vous passez un coup de téléphone et vous avez une livraison dans les 30 minutes ».

Un changement de profil des consommateurs

L'évolution la plus préoccupante concerne le profil des utilisateurs. « Dans les années 70, c’était une drogue « glamour » qui était réservée à une frange très sélecte de la société » explique le docteur. Si la cocaïne était autrefois associée au milieu artistique et privilégié, elle touche aujourd'hui tous les pans de la société. L’augmentation de la production et la baisse du prix de vente en sont les conséquences directes.  

Une nouvelle tendance émerge : l'usage performatif. « Ce que l’on voit se développer depuis quelques années, c'est une prise de cocaïne pour être performant dans certaines activités » explique le docteur De Azevedo. Des cadres l'utilisent pour « tenir au travail », elle se répand également dans la restauration et même dans le bâtiment pour faire face aux efforts physiques et aux horaires contraignants.

Les dangers méconnus d'une drogue glamourisée

Contrairement à l'image véhiculée, la cocaïne présente des risques graves dès la première prise. « Il n'y a pas de prise anodine de cocaïne, martèle le Dr De Azevedo, avec une prise unique, vous pouvez faire un infarctus ».

Les effets cardiovasculaires sont particulièrement redoutables. En tant que vasoconstricteur, la cocaïne touche principalement le cœur et le cerveau. Cela peut provoquer des risques d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cérébraux, même chez les plus jeunes.

Sur le plan psychique, les conséquences sont tout aussi préoccupantes. L'expert décrit le mécanisme avec précision : « La prise de cocaïne va générer une excitation, le consommateur va se sentir surpuissant et libérer de la dopamine. Il va se mettre à beaucoup parler et à être très à l'aise ». Mais cet effet positif va être de courte durée, car ce qu’on appelle la redescente, qui suit cette euphorie, présente les effets inverses. « Avec des prises répétées, les consommateurs de cocaïne s’exposent à une accumulation de montée et de descente qui vont entraîner un épuisement du système et générer une forme de dépression », décrit le docteur De Azevedo.

Repérer les signaux d'alerte 

Face à cette situation, la prévention est la meilleure solution. Le Dr De Azevedo insiste sur l'importance du « repérage précoce », notamment pour permettre une meilleure prise en charge. L'approche préventive permet d’éviter le caractère punitif qui est particulièrement rejeté par les patients.

Pour l'entourage, plusieurs signaux peuvent alerter : « des changements d'humeur, un énervement intense, inapproprié, des troubles du sommeil, une perte de poids importante ou encore des difficultés financières soudaines et sans lien avec l’activité professionnelle ou familiale » explique l’addictologue. 

L'association avec l'alcool constitue également un indicateur, car la prise de cocaïne accroit les capacités d’absorption de l’alcool, elle enlève les effets d’ivresse. Ces personnes présentent donc une consommation démesurée d’alcool.

Le mélange entre l’alcool et la cocaïne va venir générer une molécule extrêmement addictogène : le cocaéthylène. Cette addiction née d’abord de la consommation d'alcool qui génère une envie irrépressible de cocaïne, appelée le « craving ».

« L’une des premières causes de rechute dans la dépendance à la cocaïne, c'est l'alcool », révèle le Dr De Azevedo. 

Vers une prise en charge globale

Le traitement de l'addiction à la cocaïne nécessite une approche multidisciplinaire. Les personnes qui tombent dans cette addiction peuvent présenter des troubles comme de la bipolarité ou encore des troubles anxieux généralisés. Le docteur De Azevedo met en garde : « Si nous ne traitons pas la comorbidité, la personne aura tendance à aller rechercher dans le produit cette automédication ».

L'accompagnement de l'entourage est essentiel dans la prévention et la lutte contre cette addiction. Cette dernière n’est pas le fruit d’une volonté, c’est véritablement une maladie. 

L'urgence d'agir

La première étape, consiste à sortir de son isolement et parler à un tiers.  Car derrière chaque consommation se cache souvent une souffrance à traiter.

Philippe De Azevedo est clair : « Les professionnels de santé doivent être formés efficacement pour mieux traiter cette addiction ».

L'augmentation de la consommation de cocaïne représente un défi de santé publique majeur qui nécessite une réponse coordonnée, alliant prévention, formation et prise en charge adaptée. Plus que jamais, la sensibilisation et le repérage précoce constituent les clés pour endiguer cette maladie.